Page:De Musset - Voyage en Italie et en Sicile, 1866.djvu/135

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Le cameriere de l’hôtel de la Victoire, en m’installant dans une bonne chambre, ouvrit d’abord la fenêtre et plaça une chaise sur le balcon. A Messine et dans toute la Sicile, le balcon est une pièce importante de l’appartement. On y met des fleurs, on y porte de petites tables ; on travaille, on lit on passe une partie de la journée sur ces boudoirs aériens. Il va sans dire qu’on cause avec le voisin et il est impossible que l’amour par les fenêtres ne soit pas une chose fréquente. Dans les villages, la plus pauvre paysanne a un balcon pour prendre l’air pendant la nuit. Les chansons populaires de la Sicile sont des sérénades, ce qui prouve bien que les amoureux rôdent souvent sous les fenêtres et que leurs belles viennent volontiers au balcon.

Tandis qu’on préparait le dîner, je pris mon chapeau pour aller voir l’aspect général des rues, chose de conséquence et sur laquelle je décide, à l’instant, si une ville aura l’avantage de me plaire. Le port de Messine est le plus vaste de la Méditerranée. Par sa position, il devrait être le dépôt d’un commerce immense et, cependant, on y remarque à peine quelques navires étrangers qui viennent chercher des oranges. La ville est belle et régulière, traversée, dans sa longueur, par deux grandes rues parallèles. Avent d’atteindre le bout de la rue San Ferdinand, j’étais frappé de l’aspect morne et décoré de Messine. Il y a d’autres villes malheureuses en Sicile, ou plutôt cette Irlande silencieuse du Midi ne sera jamais heureuse tant qu’elle restera dans les conditions où elle se trouve ; mais Messine paraît arrivée à un découragement complet. On n’y essaye même plus le commerce en détail. On se console du