Page:De Musset - Voyage en Italie et en Sicile, 1866.djvu/136

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repos forcé en dormant nuit et jour. Pour obtenir d’un marchand qu’il veuille bien vous vendre sa marchandise, il faut saisir le joint et lui demander audience à l’heure qui lui convient, sans quoi il ne se dérangera pas d’une minute pour vous servir. En sortant de Naples, où la population turbulente ferait dix lieues pour un baïoc, la transition est sensible. Du reste, point de monuments ni de musée ; rien qui intéresse les arts, à Messine ; elle n’a plus que son beau nom et son admirable climat, ce qui est bien quelque chose. Les rues n’y ont pas été balayées depuis le temps des premières colonies grecques. Je n’ai jamais vu tant de poussière, de brins de paille et de papiers volants. Si on y regardait bien, je gage qu’on trouverait des manuscrits sur papyrus parmi ces feuilles vagabondes. Elles produisent des bruits étranges quand le vent les fait courir et, dans quelques siècles il faudra tirer Messine du fond des vieux papiers comme Pompeïa des cendres du Vésuve.

Souvent il m’arrive de laisser dans mon portefeuille les lettres de recommandation pour les riches banquiers, mais je ne manque jamais de porter celles qui sont adressées à des artistes. J’avais deux hommes de talent à voir, dans Messine, Aloysio, graveur distingué qui était parti depuis peu pour la France et Panebianco, jeune peintre que je trouvai à l’ouvrage. Panebianco est auteur d’un fort beau dessin contenant quatre-cents personnages et qui représente l’entrée du roi de Naples à Messine en 1837. La gravure en est commandée à Aloysio qui voyage, pour se perfectionner dans son art, avant d’entreprendre cette grande tâche. Outre ce dessin, Panebianco me montra des projets de tableaux qui ne seront jamais