Page:De Musset - Voyage en Italie et en Sicile, 1866.djvu/143

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on s’étonne du courage et de l’insouciance d’une population qui n’a pas voulu s’éloigner de quelques lieues pour vivre paisiblement des atteintes du volcan. Mais, si on gravit la montagne et qu’on regarde Catane des hauteurs où Empédocle laissa ses pantoufles, en voyant la ville comme un point perdu dans l’espace, on se rassure et on comprend combien il faut que le hasard se donne de peine pour la frapper. Il est certain, cependant, que l’existence de Catane est éternellement suspendue à un calcul de probabilités qui doit finir par amener son anéantissement et que cinquante mille habitants jouent leur vie sur une martingale qu’ils perdent toujours une fois environ en quatre siècles.

Aujourd’hui, c’est une grande rareté, en voyage, que de rencontrer des costumes et, vraisemblablement, dans quelques années il n’y en aura plus nulle part, même en Chine où les Anglais sauront bien introduire l’ingénieuse queue de morue et le chapeau de carton. Les femmes de Catane ont pourtant un costume particulier qu’elles n’ont jamais voulu quitter, malgré l’empressement du reste de la Sicile à adopter les modes du continent. Les Catanaises portent une grande mante de soie noire qui les enveloppe entièrement, comme un domino. On ne leur voit que le visage et le bout des pieds. Celles qui sont bien faites savent habilement marquer la taille en croisant leurs bras par-dessous cette mante et, comme la jeunesse et la beauté sont choses de résistance, on les distingue aisément à travers les plis de ce vêtement mystérieux. De loin, ces femmes semblent aller en procession au convoi des générations englouties par les catastrophes ; mais elles n’ont de funèbre que