Page:De Musset - Voyage en Italie et en Sicile, 1866.djvu/144

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l’écorce ; au fond de leurs capuchons brillent des yeux sarrasins dont les paupières ne s’abaissent jamais et qui lancent des feux volcaniques comme ceux de l’Etna. Elles vous regardent l’étranger avec un air intrépide que les organisations de l’Occident ne supportent pas sans peine. La jeune fille catanaise ne s’arrête pas à une modestie de convention. Pour peu que vous excitiez sa curiosité, elle la satisfait, dût-elle, pour cela, braquer sur vous ses prunelles siciliennes pendant un quart d’heure. Après avoir été déconcerté plusieurs fois, je voulus, un jour, prendre mon grand courage et mesurer jusqu’où irait la force du regard d’une jolie dame, assise à son balcon. Je jouai le même jeu qu’elle. Nous nous regardâmes indéfiniment et nous y serions encore si une autre personne ne fût venue se mettre en tiers sur le balcon. Il m’eût été plus facile de faire baisser les yeux au lion du Jardin des Plantes. L’apparence monacale du vêtement ajoute encore à la puissance du regard des Catanaises ; on s’approche avec un certain respect, comme si on voyait une nonne de quelque ordre austère et, au lieu de la pudeur religieuse, on trouve l’ai ouvert et peu farouche d’une héroïne de Boccace.

Les tremblements de terre n’épargnant pas plus les édifices grecs que le modernes, il ne reste, à Catane, d’autres antiquités que les vestiges d’un théâtre ; encore faut-il les examiner de près, au fond d’un souterrain. Avec les débris des morceaux les meilleurs, on a formé plusieurs musées assez beaux. Celui du prince Biscari est le plus complet. Le couvent des Bénédictins contient aussi des richesses en tableaux, statues, vases grecs, bas-reliefs, sculptures