Page:De Musset - Voyage en Italie et en Sicile, 1866.djvu/145

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de Gaggini, le Michel-Ange de la Sicile, ce qui veut dire que la Sicile n’a pas de Michel-Ange. Les jardins de ce couvent sont délicieux ; l’orgue de l’église, qui passe pour le premier d’Europe, est l’ouvrage d’un moine calabrais qui vint mourir à Catane dans le siècle dernier. Ce bon moine, homme simple et plein d’humilité, n’était pas seulement un ouvrier de génie ; il composait de la musique sacrée et jouait admirablement de cet orgue pour lequel il avait la tendresse d’un père. On l’enterra au pied de son chef d’œuvre ; il s’appelait Donato del Piano. La ville de Catane est éminemment musicienne ; on y compose, comme à Naples, une foule de chansons populaires qui se répètent partout avec une espèce de fureur et vivent quelques semaines.

Miss Nancy aimait passionnément la musique ; mais le ciel ne l’avait pas favorisée d’une voix juste ; elle ne put jamais apprendre l’air qui était en vogue pendant notre séjour. Après avoir chanté faux trois jours durant, avec cette grâce angélique que les jeunes filles savent mettre à tout ce qu’elles font, elle y renonça, en riant de tout son cœur.

Bellini était de Catane. Un loueur de carrosse à qui j’avais affaire me montra une maisonnette dans une rue détournée :

— Monsieur, me dit-il, c’est ici que demeurait notre Bellini. Avant de partir pour Naples, il n’était pas bien riche. Nous l’aimions beaucoup, sans savoir que ce fût un grand homme. Tous les ans, au mois d’octobre, il me demandait un carrosse avec trois chevaux pour aller aux fêtes de l’Etna et il en ramenait quelque petite innamorata qui s’attachait à lui pour un couple de mois. Au lieu de courir après