Page:De Musset - Voyage en Italie et en Sicile, 1866.djvu/147

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qui puisse ranimer agréablement les souvenirs. Il peut suffire de la compagnie d’une personne amie dont l’intérêt réponde à votre confiance, comme nos imaginations répondaient aux accords de l’orgue. Racontez-moi vos pensées et vos peines, j’aurai le plaisir de l’auditeur et, vous, celui de l’organiste.

— Eh bien ! je vous promets de vous les raconter.

— Mais quand donc ?

— A la première occasion.

Miss Nancy se rapprocha de son père. Cette promesse lui était échappée sous l’influence de la musique et du bel orgue de Donato del Piano. Au lieu de rechercher l’occasion, elle parut la craindre et la fuir. Je me dépitais lorsque je vis entrer dans ma chambre le curé de la paroisse, en surplis, et suivi d’un enfant de chœur portant l’eau bénite. Je m’attendais à quelque demande d’aumône. Le curé se tourna vers le lit, l’aspergea copieusement et fit voler en l’air l’eau bénite, dont une large goutte tomba sur mon papier à lettres.

— Signorino, me dit le bonhomme, excusez-moi : c’est l’usage, dans notre pays, de porter dans les maisons, une fois par an, les bénédictions de l’Eglise.

— Que je vous excuse, monsieur le curé ? Cette parole me fait de la peine. Vous avez donc cru voir de l’étonnement sur mon visage, peut-être de l’ironie ? Vous vous êtes trompé ; je ne repousse les souhaits bienveillants de personne ; je suis même superstitieux sur cet article.

Le curé me souhaita toutes sortes de prospérités, avec un sourire paternel. Je croirais volontiers que sa visite m’a porté bonheur.