Page:De Musset - Voyage en Italie et en Sicile, 1866.djvu/150

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— Nous ferons ce que vous voudrez.

Mon mulet avait de grandes oreilles à poils ras qui ressemblaient à du beau drap de paletot. Ces oreilles d’un aspect confortable, l’air calme et assuré de l’animal, me firent plaisir à voir.

— Le sort en est jeté, m’écriai-je, j’irai à Syracuse !

— Et moi aussi ; mais il faut arriver ce soir. Vous entendez, muletier ? Nous ne voulons pas coucher dans un village.

— Excellence, vous êtes le patron, c’est à vous de commander.

— Nous voulons dormir, cette nuit, à Syracuse.

— Je comprends très bien. Si les bacs sont prêts pour passer l’eau, si nous trouvons un bateau à Lagnone, si le pont n’est pas rompu et que les torrents ne soient pas trop enflés, il suffira que nous allions bon train pour trouver les portes ouvertes.

— Comment ? Est-ce qu’on ferme les portes ?

— Excellence, oui. Tous les soirs, au coucher du soleil ; mais on les ouvre le matin. Chéragouse est place de guerre : belle forteresse ! Beaux remparts ! Il faut voir cela.

— Nous sommes perdus, monsieur, dit l’Anglais ; nous dormirons dans quelque village abominable.

— Excellence, non. Nous avons le bourg de Priolo où l’on trouve une auberge, de bons lits, du poulet, du pain pour les seigneurs étrangers. En marchant bien, nous pouvons être à Priolo avant la nuit.

La perspective se rembrunissait à chaque parole de notre guide ; mais fût-elle devenue plus noire que l’enfer, nous n’aurions plus reculé. La route