Page:De Musset - Voyage en Italie et en Sicile, 1866.djvu/158

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romain, est un petit village appelé Saint-Nicolas, dont l’église, champêtre et recouverte de joncs, semble une plante sauvage sortie des ruines de la splendeur antique. Nous étions le 20 avril, qui est le jour de fête à San-Nicolao. Vers deux heures après-midi, tandis que nous tâchions, fort gravement de déchiffrer des fragments d’inscription, nous vîmes arriver, de plusieurs côtés, des bandes de jeunes-gens et de fillettes, violons et guitares en tête. En un moment, le désert de marbre se peupla et retentit de cris joyeux ; les tarentelles s’établirent sur les plateformes des tombeaux. Du chemin creux de la nécropole où nous étions assis, à l’ombre, on voyait se détacher, sur un ciel d’airain, les couples de danseurs et les pieds nus des jeunes-filles. Le seigneur anglais tira ses crayons avec le plus grand calme et se mit à dessiner, en déclarant qu’il était satisfait et payé de ses infortunes. Les danses terminées, on mangea, non sur l’herbe mais sur les pierres et dans les latomie. Un bon père de famille, qui dînait avec ses enfants à l’entrée de la tombe d’Archimède, m’offrit une tranche de jambon et un verre de moscatella que j’acceptai avec empressement. La fête dura jusqu’au soir. Nous entrâmes tous à la ville une demi-heure après le coucher du soleil, les uns à pied, le plus grand nombre sur des ânes, le seigneur anglais et moi sur nos mules, car il n’existe à Syracuse que trois carrosses et j’ignore sur quels chemins ils peuvent rouler. Nous ne sommes pas au temps d’Agathocle, dont l’habitation est, aujourd’hui, en fort mauvais état. Quant au célèbre temple de Diane qu’on venait voir du fond de la Grèce, il en reste deux colonnes qui passent dans une armoire