Page:De Musset - Voyage en Italie et en Sicile, 1866.djvu/164

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palais magnifique et on la reprend lorsqu’on a fini sa visite. Le matin, de beaux messieurs, gantés de blanc, s’arrêtent devant un café pur boire une limonade sans descendre de leur âne. On parcourt le Journal des Deux-Siciles, on s’informe des nouvelles et on se disperse, au trot du vertueux et simple animal sur lequel Notre-Seigneur ne dédaigna pas de monter pour faire son entrée dans Jérusalem. Un usage général ne saurait paraître ridicule ; c’est pourquoi j’avais fini par adopter, comme tout le monde, cette manière de circuler pendant mon séjour à Catane. Pour la somme de trente sous, j’avais un grand âne, sobre et infatigable comme un Sicilien. Il me portait toute la journée et nous allions paisiblement, en bonne intelligence, par les rues et les chemins, sans qu’il fût besoin, comme à Castellamare et à Sorrente, de ces âniers toujours pressés qui vous suivent en poussant des cris sauvages et qui tirent la pauvre bête par la queue pour la faire courir au galop.

Un jeune Sicilien, avec qui j’avais voyagé sur le bateau à vapeur, m’avait offert de me présenter à quelques personnes aimables de son pays. Il vint un matin me chercher, monté sur son âne ; je pris aussitôt le mien et nous partîmes, ainsi équipés, pour aller faire des visites de cérémonie. En passant sur la place de l’Eléphant, nous nous arrêtâmes pour regarder les dames qui sortaient de l’église. Elles étaient toutes enveloppées de ces mantes noires dont j’ai parlé et qui donnent aux rues de Catane l’apparence d’un cloître ou d’un foyer de bal masqué, selon la disposition d’esprit où l’on se trouve.

— Savez-vous, me dit mon compagnon, comment