Page:De Musset - Voyage en Italie et en Sicile, 1866.djvu/170

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comme vous ne voulez pas qu’on vous aime, je tâche de vous oublier. Demain, si je n’y ai pas réussi, je m’en irai à Lentini, chez mon oncle le tonnelier.

— Le mauvais air règne à Lentini ; vous y gagnerez la fièvre.

— Mieux vaut la fièvre que d’aimer qui ne vous veut pas de bien. Je prétends mener ma tendresse pour vous comme ceci, à coups de maillet.

Zullino frappa si fort sur ses planches qu’Agata, effrayée, recula d’un pas ; mais il se trouva que ce coup de maillet venait d’enfoncer l’amour dans le cœur de la toppatelle.

— Vous êtes un fou, dit-elle. Quand on aime une fille, on ne s’embarrasse pas de tous ces discours, on lui déclare poliment ce qu’on éprouve et on va la demander en mariage à ses parents tandis qu’elle est à la messe.

Il n’y avait plus à hésiter. Zullino courut chez le petit tailleur et lui demanda la main de sa fille.

— Mais, dit le père, si je te donne ma fille, comment la nourriras-tu ?

— En travaillant.

— Et si tu as des enfants ?

— Je les élèverai comme vous avez élevé votre fille.

— J’aurais préféré un gendre plus riche que toi ; cependant, j’en parlerai à Agata et nous verrons quelle sera son opinion.

Agata pensa qu’un mari jeune et laborieux n’a pas besoin d’être riche et qu’un morceau de pain se mange avec plaisir en compagnie d’une personne qu’on aime. Ces idées peuvent vous sembler étranges,