Page:De Musset - Voyage en Italie et en Sicile, 1866.djvu/179

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faire trembler la montagne. La fillette taciturne, qui n’a pas dit quatre mots dans l’année, donne de l’exercice à son gosier pour le temps perdu. Celle qui a fait la sourde oreille aux propos galants en écouta autant qu’on lui en veut dire. La demi-folle s’en mêle et, quand les fêtes sont finies, il ne rentre pas dans la ville un seul cœur qui ne soit au moins troublé, pas une cervelle qui ne soit à l’envers. Messieurs les étrangers payent leur tribut comme les autres. Combien en ai-je vu venir en spectateurs, le sourire sur les lèvres et le lorgnon sur l’œil, s’assoit à table pour se montrer bons princes et finir par faire le pied de grue dans les rues de Catane, sous le balcon de quelque brunette ! Il y a temps pour tout et la méthode est chose bonne. On change de domestiques à la Saint-Jean ; les termes des loyers sont fixés au 4 de mai et, ce jour-là, l’Italie et la Sicile entière déménagent ; mais dans l’Etna, au mois d’octobre, c’est l’échéance des amours. Les couples se forment au milieu des plaisirs et, quand sonne la cloche de la Toussaint, les curés ont de la besogne pour marier nos barbes rousses avec leurs amoureuses. Ce n’est pas que tous ceux qui reviennent des vendanges deux à deux s’en aillent droit à l’église. Si on traîne jusqu’à Noël, adieu les sacrements pour cette année-là ! L’amour va vite et ne mènent pas toujours les filles où elles voudraient aller ; mais on est indulgent et, s’il arrive malheur à une danseuse, les bonnes gens secouent la tête en disant : Que voulez-vous, c’est la vendange !

Don Benedetto, qui possédait un grand lot de vignes dans l’Etna, voulut en faire les honneurs à sa fiancée et à ses amis. Il s’en alla d’abord se divertir