Page:De Musset - Voyage en Italie et en Sicile, 1866.djvu/188

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— Est-il vrai, lui dit-elle, que vous soyez le plus riche marchand de Catane ?

— Qui pourrait en douter ?

— A quelle somme, je vous prie, se monte votre fortune ?

— Je n’en sais trop rien, peut-être à soixante-mille écus.

— Eh bien ! faites-moi le plaisir de me donner deux-cents piastres

— Bagatelle ! vous ne savez pas ce que c’est que deux cents piastres. Il n’y a pas d’ajustement de femme qui coûte cela, si ce n’est la dentelle, et vous n’en avez que faire !

— Ce n’est pas pour acheter de la dentelle. Donnez-moi ces deux cents piastres ; vous me rendrez un véritable service.

— Par Bacchus ! ne dirait-on pas que les piastres poussent comme des pois chiches et qu’il suffit de se baisser pour les prendre ! J’en ai quelques-unes, il est vrai, mais je les ai gagnées par mon travail et je ne les donne pas à poignées.

— Ainsi, vous me refusez l’argent dont j’ai besoin ? C’est donc pour cela que l’on m’a fait épouser un homme riche ?

La signora lança au marchand de soieries un regard de mépris si accablant que, malgré sa vanité, il sentit pour un instant qu’il n’était au fond qu’un pauvre sire et, de plus, un pince-mailles. Tandis qu’il faisait d’utiles réflexions sur ce sujet, Agata prit sa mante et sortit précipitamment de la maison.

Il y avait alors, sur les côtes de Sicile, un embaucheur turc qui venait pour séduire et acheter de belles filles dont il faisait des esclaves, en leur assurant