Page:De Musset - Voyage en Italie et en Sicile, 1866.djvu/190

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— Je viendrai, donnez-moi l’argent.

— Signora, est contraire aux principes ; si mi donner et vous pas venir ?

Agathe gratifia le mécréant du regard terrible dont elle avait déjà honoré son mari ; mais le Turc, rusé, devina mieux que don Benedetto ce que la toppatelle avait dans l’âme.

— Signora, dit-il, porter une quelque chose sainte à son cou ?

— Oui, ce chapelet est béni.

— Eh bien ! une petite serment là-dessus.

— Je jure, sur ce chapelet et cette croix de revenir à minuit et de partir avec toi pour Tunis.

— Mi avoir jamais eu cette confiance pour nessune. Voici l’argent tout subite. Signora pas oublier de venir au bord de la mer, dans cette lave, il n’y a qu’un seul sentier, pas d’erreur.

— Ne crains rien, au bord de la mer, dans cette lave, à minuit. Vite, l’argent.

Le Turc compta les deux cents piastres en sequins d’or et la toppatelle disparut.

Il faut avoir essayé de pénétrer dans les champs de lave de l’Etna pour bien comprendre ce que c’est. Le fleuve bouillant a conservé ses ondulations en se refroidissant ; on y peut, à grand peine, faire quelques pas hors des sentiers, en grimpant comme une chèvre ou en sautant d’un bloc sur l’autre ; mais il serait impossible d’y marcher en droite ligne et, si on veut suivre les petites vallées que forment entre elles les vagues de métal, on s’égare infailliblement au bout d’une minute. Si vous voulez retourner en arrière, vous ne reconnaissez plus les défilés où vous êtes passé ; si vous en choisissez d’autres, vous ne