Page:De Musset - Voyage en Italie et en Sicile, 1866.djvu/191

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pouvez prévoir quelles seront leurs sinuosités et, si vous tâchez de vous orienter, les quatre points cardinaux ne servent qu’à vous faire voir, clairement, combien le labyrinthe est inextricable. En outre, il ne faut pas être sujet aux vertiges pour monter, pour grimper dans ces déserts, car il se présente souvent des trous où un faux pas vous ferait tomber. Les aspérités du métal exercent l’action d’une râpe sur vos chaussures et les mettent en charpie, si vous n’avez pas eu soin de les choisir épaisses et solides. Mais ce qui rendrait surtout dangereuse une excursion nocturne dans la lave qui borde le port de Catane, c’est la mer où cette lave descend et la hauteur des cônes qui se sont pressés les uns contre les autres au moment de l’éruption, à cause de la pente du terrain et de la lutte entre l’eau et le feu. Il n’y a, dans ce champ de lave, qu’un petit sentier, comme le Turc l’avait fait remarquer à Agata. Ce sentier conduit au bord de la mer, après avoir traversé le désert dans toute sa largeur, qui est d’un mille sicilien, c’est-à-dire un peu moins d’une demi-lieue. Pendant le jour, on reconnaît aisément le passage de l’homme dont les pas ont produit quelque chose de semblable à de la terre végétale ; mais pendant la nuit on s’y égarerait facilement, pour peu qu’on manquât de prudence ou d’attention.

Vers minuit, à l’heure indiquée par le Turc, des jeunes gens qui jouaient à la porte du grand café virent passer une toppatelle enveloppée jusqu’aux yeux et dont la mante flottante ne marquait plus la taille, comme à l’église ou à la promenade. L’un de ces jeunes gens, frappé de l’air mystérieux que trahissaient à la fois la toilette et la démarche, laissa