Page:De Musset - Voyage en Italie et en Sicile, 1866.djvu/192

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ses amis pour suivre cette dame. Il la vit traverser la place du Dôme, passer sous les arbres qui bordent le port, franchir la planche qui sert de pont au ruisseau des laveuses et entrer dans le champ de lave. L’obscurité était profonde et il était difficile de reconnaître le chemin. Le jeune homme s’arrêta, de peur de s’égarer, et se mit à l’entrée du sentier, persuadé que la dame inconnue y reviendrait bientôt. Au bout d’un quart d’heure, il entendit plusieurs cris auxquels répondit une voix d’homme. Il lui sembla, ensuite, que pendant longtemps encore la voix d’homme avait, seule, appelé sans recevoir de réponse ; mais la mer, qui se brisait sur les écueils, produisait des bruits si confus qu’il ne put avoir aucune certitude.

Le lendemain, la fuite d’Agata causa dans la ville une sensation que le récit du jeune homme augmenta encore. On parcourut le champ de lave dans toutes les directions. Bien loin du sentier praticable, on trouva un soulier de femme entièrement déchiré. Plus loin était un bassin formé par la mer et on en retira une mante noire de toppatelle qui flottait sur l’eau. On sonda ce bassin qui n’était pas très profond ; mais on n’y découvrit point le corps qui aurait dû, pourtant, s’y trouver. Les uns ont cru que le Turc avait laissé derrière lui ces indices d’une fausse catastrophe afin de détourner les soupçons ; les autres pleurèrent Agata et portèrent son deuil. Les pêcheurs de corail qui vont en Afrique affirment souvent, à leur retour, qu’ils ont vu la belle Catanaise couverte de pierreries, épouse légitime d’un chef barbaresque puissamment riche. Ceux qui passent, à minuit, près du champ de lave entendent distinctement la voix de la défunte toppatelle qui demande du secours.