Page:De Musset - Voyage en Italie et en Sicile, 1866.djvu/195

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de la chambre en s’écriant qu’il voulait partir. Midi venait de sonner quand il sortit de Catane à pied, suivi d’un enfant de douze ans monté sur un mulet. C’était s’embarquer trop tard de six heures pour arriver à Syracuse avant la clôture des portes. Des nuages s’amoncelaient sur les montagnes et promettaient de la pluie. Le souvenir des gîtes siciliens me revenait à l’esprit, je tremblai pour l’imprudent M…, et je comptai sur ce petit voyage pour calmer son humeur vagabonde et le remettre à mon niveau.

Si, par hasard, on m’a soupçonné d’exagération dans le récit de mes infortunes, on verra, par les aventures du comte de M…, ce que c’est qu’une excursion à Syracuse. A peine l’intrépide marcheur eût-il passé le village de Lagnone qu’il reçut une de ces averses méridionales où le ciel semble vouloir écraser la terre. Ce sont des revanches que prennent les nuages après de longs intervalles de chaleur et de sècheresse. M…, résolu à ne s’effrayer de rien, franchit comme un trait buissons, fossés, rochers et bras de mer, toujours infatigable et de plus en plus enchanté de ses souliers. Cependant, la nuit la plus obscure vint se joindre au mauvais temps pour rendre la situation tout à fait périlleuse. De Lagnone à Priolo, la distance est de quinze milles et on ne trouve pas un abri dans ce désert. Ne voyant plus où il posait le pied, M… s’enveloppa de son manteau et monta sur le mulet, le petit guide en croupe. Bien lui prit de s’être confié à l’instinct de sa monture car, sur un pont en réparation, le mulet s’arrêta court au moment de tomber dans le torrent. Un pas de plus et ils disparaissaient tous trois. Le petit guide, qui n’était pas venu depuis longtemps à Syracuse, reconnut,