Page:De Musset - Voyage en Italie et en Sicile, 1866.djvu/200

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de Messine à Palerme. Notre parti fut pris aussitôt. Nous renonçâmes aux ruines de Sélinunte et aux temples de Girgenti. Le courrier nous mena lestement à Messine et, le 3 mai au soir, nous étions à bord du Duc de Calabre, fort enchantés de convertir un voyage de onze jours en une promenade agréable de dix heures. On sortit du détroit avant l’Angelus et nous vîmes bientôt les îles Lipari. La nuit était belle. Un passager napolitain, excellent musicien, prit une guitare et nous chanta des romances populaires et des fragments d’opéra. Le temps s’écoula ainsi trop vite, à notre gé. Les phares du cap Roland et du port de Cefalù brillèrent comme des étoiles filantes et les premières lueurs du matin vinrent nous montrer, au loin, Palerme entourée par le collier de montagnes qui lui a fait donner le surnom poétique de Coquille d’or.

Le cap Zaferano et le mont Pellegrino, placés en sentinelles avancées, forment les deux extrémités du collier qui encadre la baie et le fond des montagnes sert de repoussoir aux tours blanches et aux dômes de la ville qu’on embrasse d’un seul coup d’œil. Palerme a, sur Naples, l’avantage d’être de trois degrés plus au sud, ce qui fait une différence notable dans l’éclat de la lumière et la précision des contours. La teinte bleue qui colore l’île de Capri serait faible à côté du bleu foncé de Palerme et c’est une jouissance de se sentir plus voisin du soleil.

La Sicile est constituée pour former un pays peuplé, heureux et recherché. C’est comme une terre promise. Celui qui vient du Nord en pensant à son pays natal ne le retrouve plus, dans sa mémoire, qu’enveloppé de frimas et de brouillards. L’Italie elle-même