Page:De Musset - Voyage en Italie et en Sicile, 1866.djvu/213

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le parti de rendre visite au peuple lui-même. Un matin, après déjeuner, nous sortîmes par la porte Maqueda, en passant devant le consulat de France et nous nous enfonçâmes dans un quartier peu connu qu’on appelle le Borgo, où demeurent les mariniers et les pêcheurs. On y rencontre, à chaque pas, des figures un peu farouches, mais belles et de nature à frapper vivement l’imagination d’un peintre comme Léopold Robert. Les habitants du Borgo portent une veste ronde en velours vert, appelée bonacca et à laquelle ils doivent leur nom de bonacchini, qui répond à peu près à celui de lazzaroni. Le bonacchino est moins aimable, moins insouciant et moins gai que le lazzarone ; mais il a plus de noblesse d’âme, autant d’intelligence et autant de goût pour la musique, la poésie et les récits merveilleux. Son délassement préféré, quand il a fini sa journée, est d’écouter les contastorie raconter des histoires de naufrages, des voyages fabuleux, des légendes diaboliques ou des amours traversées, toujours terminées par un mariage. Il entend même avec plaisir des sonetti d’amore de Meli ou de Tempio. On se groupe autour de l’orateur avec une attention pleine d’avidité. Le théâtre est précisément, comme à Naples, le bord de la mer et les environs du môle et on y sent combien il y a de points de ressemblance entre l’auditoire de Palerme et celui de Naples. Les passions du bonacchino sont plus dangereuses que celles du lazzarone ; les contastorie siciliens exercent une certaine influence sur leur public et, pour cette raison, il leur faut la patente en vertu de laquelle ils racontent con privilegio.

Depuis le règne de Murat, les lazzaroni, qui avaient,