Page:De Musset - Voyage en Italie et en Sicile, 1866.djvu/214

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autrefois, une législation particulière, sont retombés sous les lois et la surveillance générales. Les bonacchini ont gardé quelques-unes de leurs anciennes coutumes. Les mariniers élisent un chef qui exerce une autorité contre laquelle on ne se révolte jamais. Ce chef juge les différends ; il impose des amendes et accorde des dommages-intérêts. Une querelle apaisée par sa médiation ne doit plus avoir de suites ; mais la vengeance a tant d’empire dans l’âme d’un Sicilien que le pouvoir du chef échoue quelquefois sur ce point. Comme il faut que l’arbitre des mariniers jouisse de la considération publique, il prélève un tribut, sur la pêche, qui lui assure un revenu. La répugnance du peuple pour la justice ordinaire date de la domination espagnole ; il lui fut particulièrement sensible, alors, de voir le bonnet espagnol remplacer, sur la tête des juges, celui auquel ses yeux étaient accoutumés. Ce fut une grande imprudence que commit un vice-roi, car il eût mieux valu mettre des juges étrangers sous le bonnet du pays que mettre un bonnet venu d’Espagne sur la tête des juges siciliens.

La violence, la jalousie et la superstition règnent dans le Borgo plus qu’en aucun lieu du monde. A part ses défauts, la population est d’ailleurs honnête et laborieuse. Le vrai bonacchino ne tuerait pas un homme par un vil motif d’intérêt et il renierait, avec indignation, l’industrie peu exemplaire qui consiste à donner des taillades ou des coups de stylet pour de l’argent. Dans le quartier qui s’étend au pied du mont Pellegrino, on trouve quelques bonnes âmes désœuvrées, de jour, qui vous débarrassent