Page:De Musset - Voyage en Italie et en Sicile, 1866.djvu/224

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Après une heure de marche, vous arrivez à une église d’un extérieur fort simple mais qui, dedans, présente un coup d’œil unique. Du haut en bas, les murs sont entièrement couverts par les offrandes des fidèles, les ex-voto et les preuves matérielles des miracles opérés, telles que les béquilles des boiteux et les modèles en cire des diverses infirmités guéries. Plusieurs milliers de petits tableaux représentent des naufrages, des incendies, des chutes, des malades alités des poitrinaires qui vomissent du sang, des hommes assassinés, écrasés par des voitures ou emportés par des chevaux. Enfin, tout l’attirail des crimes, des accidents et des maladies s’y trouve reproduit par des pinceaux qui ont plus de foi que de talent et, toujours, l’image de la Vierge à qui le donateur a dû la vie, occupe le sommet de ces naïves compositions. Des navires, apportés par des marins, sont suspendus au plafond. Il y a jusqu’à des squelettes d’animaux, rendus par les gens possédés dont un vœu fervent a délivré l’estomac ou les entrailles. La Madone ne refuse aucune offrande.

Au milieu de l’église, sur un autel à part, on voit la célèbre image. C’est une peinture sur bois du XVe siècle ; il ne reste plus que la tête de la Madone et celle, à demi effacée, de l’enfant Jésus. Sur le tableau était, jadis, un autre personnage, armé d’un arc. Pendant longtemps, cette image fur exposée en plein air. Des joueurs étant venus, un jour, s’établir au-dessous d’elle, l’un d’eux, qui perdait son argent, blasphéma contre la sainte Vierge et, dans un transport de fureur, il lança une pierre qui atteignit la Madone à l’œil droit. Aussitôt le sang coula, l’œil enfla et la figure de la mère du Christ exprima la douleur et la