Page:De Musset - Voyage en Italie et en Sicile, 1866.djvu/226

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un mouvement inaccoutumé se remarque, principalement sur les quais ; des bandes de paysans, portant divers costumes, bivouaquent, pêle-mêle, au bord de la mer, à Chiaia et à Sainte-Lucie ; une rumeur sourde annonce, pour le lendemain, le débordement de la joie napolitaine. Enfin, l’aurore commence à peine à paraître que l’explosion se fait entendre ; les quais, ordinairement très bruyants, le sont trois fois davantage ; les charrettes sont attelées avec de grands cris ; on les décore de feuillages et on orne les chevaux de plumes de paon. Il y a place pour dix dans la voiture, on s’y entasse une vingtaine. Tout ce que Naples possède de véhicules est mis à contribution ; les calèches et les corricoli se mettent à rouler sur la dalle, aussi vite que peuvent aller les chevaux et les bœufs. Oh ! La rude journée pour les bêtes de somme ! Un pauvre âne traîne plusieurs familles, plusieurs étages d’une maison ! Un coup de canon, tiré devant la porte, annonce à l’univers le départ de chaque voiture car on fait tout avec emphase, à Naples !

Quelques jeunes gens robustes regardent comme un devoir de danser tout le long du chemin et forment une escorte agréable aux charrettes de feuillages, ainsi que l’a représenté le malheureux Léopold Robert Les chants, les rires, le tambour de basque, le fifre et les castagnettes produisent un mélange de bruits qui porte la gaieté dans les cœurs les plus tristes et provoque le sourire sur les visages le plus sombres. Ceux qui n’ont pas même un âne mesurent intrépidement la distance avec leurs jambes. Dans les haltes, mange et on danse pour se remettre de la fatigue et, quand on se sent mieux, on reprend sa