Page:De Musset - Voyage en Italie et en Sicile, 1866.djvu/231

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ont une grâce particulière qui rendrait rêveuses les sylphides chaussées de satin de nos ballets. Ces pieds-là n’ont jamais subi les tortures de la mode et n’ont pas la moindre difformité ; ils fonctionnent au grand jour et s’embellissent du mouvement et des ressorts de la vie. Et comme on s’amuse de bon cœur ! Comme on se trémousse vigoureusement ! Comme on sait bien faire ronfler les castagnettes, se déhancher à propos et ranimer par un regard malin, ou une attitude voluptueuse, le danseur qui se fatigue ! Comme le plaisir vous sort par tous les pores ! Comme on quitte la partie à regret quand on a perdu l’haleine et les forces et qu’il faut se reposer, sous peine de tomber par terre ? Si les œillades s’enflamment un peu et si on répond en riant à quelque galanterie, le mari n’est pas là pour vous gronder. Il a bien autre chose à faire que de courir après sa femme ; d’ailleurs on se surveille réciproquement et, si l’herbe est glissante, l’impossibilité de tomber autrement qu’en public est la meilleure garantie des ménages.

La fête de la Madone dell’Arco ne dure pas longtemps. Le soleil n’est pas encore couché lorsque le défiler des voitures commence. L’usage veut que chacun rapporte un trophée composé d’une branche d’arbre et y suspende une image de la Madone autour de laquelle on groupe, avec plus ou moins de goût, de petites corbeilles d’osier rouge, de petits seaux en bois blanc d’une forme gracieuse, des chapelets de noisettes et des oriflammes de papier doré. Le partage de ces richesses est destiné à faire le bonheur des enfants qui n’ont pas été du voyage. Les charrettes qui en sont hérissées prennent, au retour,