Page:De Musset - Voyage en Italie et en Sicile, 1866.djvu/255

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génies de la renaissance, Michel-Ange est celui qui, par son caractère élevé, sévère et mystique, se trouve le plus naturellement identifié avec le caractère de la ville éternelle. On lui opposera toujours Raphaël ; mais, à mon sens, Raphaël aurait pu vivre et produire à Florence ou à Naples sans y perdre beaucoup, tandis que la place de Michel-Ange est à Rome et non ailleurs. Lui seul est vraiment digne d’elle et taillé sur un patron tout à fait romain. On ne le connaît pas bien si on ne l’a pas vu à la chapelle Sixtine et au tombeau de Jules II. Malheureusement, une fatalité incroyable s’est attachée à ses ouvrages. Plusieurs ont disparu. La statue en bronze, posée sur la place de Bologne après la prise de cette ville et qui représentait Jules II donnant cette bénédiction qui ressemblait à une menace, a subi les chances de la guerre. La ville fut reprise ; on fit de la statue un canon braqué sur Bologne et le duc de Ferrare crut avoir répondu très spirituellement en détruisant un chef-d’œuvre. En France-même, nous possédions une Léda qui, sous le ministère du cardinal de Richelieu, fut sacrifiée à un fanatisme stupide, comme un ouvrage impie. La pâleur de la mort se répand déjà sur les peintures de la chapelle Sixtine ; le Jugement dernier devient tous les jours plus confus. Mais il reste encore le tombeau de Jules II et le groupe de la Pietà qui, heureusement, sont en marbre. Pourvu qu’il n’arrive pas d’accident à la statue de Moïse, bon Dieu ! Il ne manquerait plus que cela. Pourvu qu’un Anglais ne s’avise pas de casser un échantillon pour l’emporter à Londres et le mettre dans son secrétaire, à côté de ses notes de voyage et du mémoire de son tailleur ! Ce que les aimables touristes d’Albion ont