Page:De Musset - Voyage en Italie et en Sicile, 1866.djvu/257

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regarder sans émotion ce tableau déchirant sauront, ainsi, qu’ils ont les nerfs solidement constitués. Dans la même galerie, on verra un magnifique portrait de Jeanne de Naples par Léonard de Vinci ; un Saint Jean prêchant dans les Abruzzes par Salvator Rosa, et plusieurs tableaux de Nicolas Poussin.

Les bains de Caracalla n’étonnent pas moins que le célèbre Colisée par leurs énormes proportions. Quinze cents Romains s’y baignaient à la fois. Ils s’étendaient ensuite sur des lits de repos, autour d’un vaste gymnase où des gladiateurs venaient s’égorger entre eux pour l’amusement des baigneurs. Il y avait aussi des salles pour les danses et la musique. Aujourd’hui, on marche sur les pierres déchaussées des mosaïques. La nature paraît avoir adopté ces ruines afin de cacher, sous ses ornements, les traces des orgies césariennes. Des lierres épais grimpent le long des piliers. Les salles de bains sont devenues des champs de rosiers. Des troupes de martinets, nichés dans les trous, babillent et voltigent sous les voûtes sonores. J’y suis entré par hasard un jour de fête. Des gens du peuple, assis en cercle, dînaient gaiement à l’ombre des murailles et parlaient cet italien pur et mélodieux qu’on croirait inventé, dans un temps de mollesse, par les dames romaines. Ce lieu, souillé par l’infâme Caracalla, n’offrait plus que l’image d’un jardin de plaisance consacré au repos des bonnes gens et à la villégiature des oiseaux.