Page:De Musset - Voyage en Italie et en Sicile, 1866.djvu/259

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

de cheveux, saisit l’occasion de s’instruire en augmentant son vocabulaire français d’un mot nouveau. Il se penche vers l’inconnu en souriant, lui montre du doigt son front nu et dit, avec un air bienveillant :

— Monsieur, comment se dit calvo, en français ?

— Chauve, monsieur, répond l’artiste, et goffo se dit lourdaud.

Puis il remet son chapeau et s’en va, laissant Hasdrubal étonné de cette brusquerie et moi fort mécontent. A quatre pas de là, nous passons devant l’atelier de M. Thorwaldsen. Sans me demander la permission, le Carthaginois tire le cordon de la sonnette.

— Que faites-vous ? Lui dis-je. On n’entre pas ainsi chez un sculpteur sans le connaître. Il nous faudrait, au moins, une recommandation.

— Bah ! S’écrie Hasdrubal ; je lui dirai que je viens du fond de la Sicile pour admirer ses ouvrages et il n’osera pas me renvoyer.

— Eh bien ! Essayons ; votre innocence nous servira peut-être.

Un praticien, le ciseau à la main, ouvre la porte et nous apprend que M. Thorwaldsen est en Danemark, mais qu’on peut visiter l’atelier. Je me rassure et nous entrons. On nous montre une statue de Lord Byron ; un Christ, destiné au fronton de la cathédrale de Copenhague, morceau important et d’un caractère poétique, un bas-relief de la Nuit entourée de douze figures, groupées avec beaucoup de grâce mais qui rappellent la peinture du Corrège sur le même sujet. Nous admirons un autre bas-relief très beau, représentant Priam aux pieds d’Achille. Enfin, nous nous arrêtons longtemps devant une charmante statuette