Page:De Musset - Voyage en Italie et en Sicile, 1866.djvu/261

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recommander expressément d’aller à Rome voir les fêtes de Pâques, j’avais judicieusement choisi cette époque pour passer en Sicile. J’aurais désiré, pourtant, regarder le Saint-Père donnant au monde entier la quadruple bénédiction du haut de son balcon. J’aurais peut-être cédé aux conseils des guides, si on ne m’eût averti qu’une foule innombrable d’Anglais prenait le chemin de Rome afin d’assister à cette cérémonie apostolique comme à une représentation de théâtre et faire mettre en stalles d’orchestre et de galerie la place publique et les maisons voisines. Je n’aurais pas aimé à voir sur leurs visages impassibles le cynisme incrédule des gens qui payent et se demandent s’ils ont eu du plaisir pour leur argent. A Catane, un Sicilien me disait, le jour de Pâques :

— Comment ! Vous êtes libre et vous voilà en Sicile ! Vous ne verrez ni l’illumination du dôme de Saint-Pierre, ni le feu de la girandole !

Le hasard, qui favorise les voyageurs indociles, me fit tomber à Rome, au mois de juin, pour les fêtes de la Saint-Pierre où il y a précisément illumination du dôme et girandole. Si la religion catholique est aimable à Naples, elle est plus magnifique et plus imposante à Rome. Le luxe éblouissant de ses pompes parle bien plus à l’imagination. En regardant ces longues processions de moines de tous les ordres, cette vaste litière qui porte le pape agenouillé devant le saint sacrement et entouré des cardinaux, cette population couchée dans la poussière, le Français se croit transporté au siècle de Sixte-Quint. Il se frotte les yeux et, quand il est assuré qu’il ne rêve pas, étonné d’être debout au milieu de la foule prosternée, confus de ne point partager le sentiment