Page:De Musset - Voyage en Italie et en Sicile, 1866.djvu/264

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cave et qui demeurent froides au milieu des chaleurs du festin. Un jour, à deux heures après midi, je descendis bravement pour aller voir un peintre français qui demeurait à Monte-Cavallo. Le silence le plus profond régnait dans les rues, comme si la ville eût été frappée par la baguette d’une fée. Arrivé près du Quirinal, je sonnai trois fois à une petite porte. Au bout de dix minutes, une vieille femme sortit sa tête par une lucarne et demanda :

— Chi è ?

— Je viens, répondis-je, pour voir le signor ***

La vieille me regarda d’un air hébété, puis elle referma la lucarne. Après dix autres minutes d’attente, elle appela Luigia et n’obtint de réponse qu’au bout d’un long intervalle. Luigia dormait au fond du jardin. J’entendis enfin un cri languissant et la petite fille arriva, en se traînant le long d’un mur. Elle me fit, à travers la porte, la même question que la vieille, puis elle ouvrit. Mon jeune peintre ne dormait pas plus que moi ; il se reposait seulement sur une terrasse. Luigia courut au café chercher de ces sorbets excellents qu’on appelle granite.

— Il faudrait pourtant, disais-je, finir par adopter les habitudes du pays.

— Essayons, si vous le voulez, répondit le jeune artiste ; prenez un matelas de mon lit et dormons jusqu’à cinq heures.

Je commençais à m’assoupir lorsqu’an son aigu d’un fifre mon compagnon s’éveilla en sursaut et courut ouvrir une fenêtre :

— Levez-vous, ma dit-il, et jetez comme moi un baïoc à ce mendiant.