Page:De Musset - Voyage en Italie et en Sicile, 1866.djvu/276

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La chaleur accablante du mois de juillet nous obligea souvent à prolonger le rinfresco jusqu’au soir. C’est un moment délicieux en Italie que le coucher de ce soleil impitoyable qui se précipite dans l’abîme afin de retourner plus vite à l’orient. On passe du jour à la nuit par une transition brusque et le ciel enflammé s’éteint, tout à coup, en promettant pour le lendemain une journée pareille à celle qui vient de finir. L’Angelus sonnait à toutes les églises quand notre convoi s’arrêta sur la place de Givita-Castellana, petite ville qu’on croit être l’ancienne Véïa.

Fuyez chez les Véïens où notre sort nous guide ;

Ainsi disait Michelot à Talma, en lisant le billet de Rutile, pour amener le fameux : Qu’en dis-tu ? de Manlius. Il ne fallait pas moins que Talma pour donner tant de prix à l’effet un peu puéril du son de voix concentré, des bras en croix et des sourcils circonflexes. En supposant que Civita-Castellana soit bien Véïa, ce qui est contestable, Manlius y eût fait mauvaise sphère et dormi sur un lit affreux. En revanche, il eût passé, comme M. V… et moi, deux heures agréables à se promener sur la place, où des troupes de jeunes filles viennent sans cesse puiser de l’eau à la fontaine. Cette occupation est sans doute une coquetterie raffinée de la part des jolies Véïennes. Toutes les femmes circulent dans la ville avec un vase élégant qu’elles portent sur la tête en manière d’ornement. Une main soutient le vase, l’autre est posée avec grâce sur la hanche. Devant la fontaine, on prend mille attitudes nonchalantes ; on s’assied sur la margelle, on s’appuie sur l’épaule de sa voisine