Page:De Musset - Voyage en Italie et en Sicile, 1866.djvu/277

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pour causer, on ferme à demi ses grands yeux noirs et la preuve que tout cela n’est qu’un manège, c’est qu’on ne paraît pas faire un grand usage de l’eau pour sa toilette.

Ne voyagez pas à petites journées en Italie sans un lit portatif composé d’un sac de toile à votre mesure, avec un masque en gaze, le tout hermétiquement fermé ; sans cela vous ne dormirez jamais. A peine étais-je blotti dans mon rempart à coulisses qu’un nuage de zanzares affamés s’abattit sur le sac de toile et de gaze ; J’eus le plaisir de m’endormir au bourdonnement aigu de ces animaux désappointés et au concert des malédictions de tous mes compagnons de voyage, pour qui la nuit fut entièrement blanc.

A trois heures du matin, les vetturini, armés de leurs chandelles, ne trouvèrent que moi à réveiller ; les autres étaient vêtus et chaussés, combattant les zanzares à grands coups de serviette et donnant au diable la ville où Manlius ne voulut pas s’enfuir, ce qui le mena tout droit à la roche Tarpéienne.

Lorsque Constantin le Grand revint de la guerre contre les Germains, il aperçut, devant lui, en arrivant à Otricoli, une si longue suite de maisons à perte de vue qu’il se crut aux portes de Rome ; il en était encore à soixante milles. Aujourd’hui, Constantin refuserait peut-être de croire qu’au bout de ce désert puisse exister une grande capitale.

Le second jour, nous nous reposons à Narni, au pied des Apennins et nous repartons à quatre heures, pour être avant le soir à Terni, célèbre par sa cascade et par la naissance de Tacite. Tandis qu’on prépare le souper, nous prenons des ânes et nous grimpons dans la montagne, guidés par deux paysannes de seize