Page:De Musset - Voyage en Italie et en Sicile, 1866.djvu/279

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se brise. Dans le trajet, on rencontre plusieurs points de vue d’où l’on peut embrasser d’un seul coup d’œil toute l’étendue de la chute d’eau. En voyant la rivière rompue sur les pierres, en mille ruisseaux divisés à l’infini en pluie fine que le vent emporte, on se demande comment il peut rester quelque trace du Vellino après un tel accident. On le retrouve pourtant au bout d’un mille, parfaitement remis de ses blessures, et dormant, à son aise, dans une prairie.

A peu de distance du pied de la cascade, nous rêvions tous à cette scène terrible quand une des jeunes filles qui nous guidaient nous proposa de traverser le jardin de madame la comtesse… Le soleil se couchait ; l’horizon était d’un rouge ardent. Le site tout à fait sauvage, le Vellino encore ému de sa chute, les rochers, qui se penchaient les uns sur les autres d’un air irrité, rappelaient les paysages sinistres de Salvator Rosa. Aussitôt que nous eûmes dépassé la grille du jardin, la décoration changea subitement. Nous étions dans un bois d’orangers, au milieu de parterres de fleurs et nous marchions sur un sable fraîchement peigné par le râteau. Un petit lévrier de Bologne vint aboyer auprès de nous ; le son d’un piano résonnait dans l’habitation et, en passant devant le perron, nous ôtâmes nos chapeaux pour saluer la maîtresse du logis qui jouait au piquet, en plein air, avec le curé du village. C’est ainsi que, dans un musée, Mieris vous remet du trouble causé par Salvator Rosa et que, dans la vie, le calme et souvent à deux pas de la passion.

Terni échappe aux inconvénients des pays chauds. Le zéphyr du soir est frais ; il y a quelquefois un peu de brouillard pendant la nuit et les insectes n’ont