Page:De Musset - Voyage en Italie et en Sicile, 1866.djvu/282

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l’argent ? De la monnaie de Naples ? Dieu saint ! En voilà beaucoup ! Combien vaut cette pièce ? Et celle-là ? Il y en a au moins pour un demi-écu. Je saurai bien les changer.

Puis elle s’arrêta pour réfléchir :

— Cependant, reprit-elle, j’en conserverai une le plus longtemps que je pourrai. En souvenir de vos seigneuries… je garderai celle-ci…

Elle se mit à sourire en ajoutant :

— Parce que c’est la plus petite.

Nos adieux étant terminés, la boutique venait de se refermer derrière nous, quand la jeune fille ouvrit la lucarne et nous cria :

— Signori, Que la madone vous protège ! Je dirai, ce soir pour vous, la prière des voyageurs.

Pendant toute la journée, M. V… ne fit que parler de la jolie marchande et, trois mois après, dans les rues de Venise, il me prenait encore le bras en répétant le dunque dont l’accent de bonheur et de reconnaissance l’avait frappé profondément. Sans doute le charme de l’innocence a ses racines algébriques et correspond à certains chiffres dans le cœur d’un mathématicien.

Par suite des conversations avec les marchandes et des suppléments de sommeil, nous arrivâmes fort tard à Foligno, ville riche et bien construite, qui paraît se piquer de soutenir son antique réputation. Horace a vanté la douceur de son climat et la beauté du vallon où elle est assise. La nuit ne nous ayant pas permis de voir les monuments, je ne sais pas ce qui peut exister encore de curieux à Foligno ; quant à la célèbre Vierge de Raphaël qui porte le nom de cette ville, elle repose de ses voyages dans la galerie