Page:De Musset - Voyage en Italie et en Sicile, 1866.djvu/286

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Nous arrivâmes à Arezzo, patrie de Pétrarque, de Vasari, du pape Jules III, du maréchal d’Ancre et de l’Arétin, ce flibustier littéraire qui vendait ses flatteries aux princes et dénigrait, avec impudence, ceux qui refusaient de le payer. Il est fâcheux que l’Arétin ait imaginé ce genre de bassesse il y a trois cents ans, sans quoi notre époque pourrait réclamer l’honneur de l’avoir inventé. La cathédrale d’Arezzo est un monument gothique très curieux. L’autel de Jean de Pise est un travail d’une finesse admirable. L’une des chapelles contient deux tombeaux sculptés par Luca della Robia, dont les figures de marbre sont coloriées.

Après Arezzo, nous ne trouvons plus, jusqu’à Florence, que des villages ; mais cette partie du chemin n’est pas la moins agréable. Les champs ressemblent à un jardin. Les fleurs des grenadiers forment des groupes éclatants qui donnent une haute idée des richesses de la nature toscane. Les haies sont des guirlandes, les buissons des bouquets et, pour peu que l’on rencontre de ces figures populaires qui, avec leurs traits accentués, semblent échappées d’un vase étrusque, l’homme du Nord se croit transporté dans un monde de raretés et d’objets de luxe vivants. Cette introduction sied parfaitement au joli nom de Florence et on s’attend à ne recevoir que des sensations gaies dans la ville des fleurs. L’illusion dure jusqu’au passage de la porte Romana, d’où on aperçoit des jardins et des collines vertes ; mais, une fois arrivé au Pont-Vieux, vous êtes frappé de l’aspect sombre et rébarbatif de Florence ; toute la mauvaise humeur, la sévérité, la raideur et l’égoïsme orgueilleux