Page:De Musset - Voyage en Italie et en Sicile, 1866.djvu/287

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du moyen-âge sont incrustés sur les façades noires des palais. Les poternes, avec leur guichet défiant, vous montrent d’énormes ferrements inhospitaliers. Les fenêtres ont l’air de cacher derrière leurs grillages le bout d’une carabine pointée sur le passant. Les soupiraux sentent la chausse-trape ; vous regardez aux terrasses si la sentinelle ne se promène pas la pique sur l’épaule et le pot en tête. Vous n’êtes pas bien sûr qu’un piège ne vous attend pas au carrefour prochain : vous respirez une vague odeur de guerre civile. Dans la rue étroite qui mène au Pont-Vieux, la maison de Machiavel vous offre la juste image d’un laboratoire de maximes désolantes. Sur le pont, les boutiques de vieille orfèvrerie vous font porter la main à votre montre, tant ce marché paraît judaïque. L’hôtel où vous descendez est, à coup sûr, un ancien palais qui jure avec sa nouvelle destination et vous vous asseyez à la table d’hôte comme un convive mal assuré, craignant de manger un ragoût à la Médicis ou de voir votre voisine tomber morte au second service, comme Luisa Strozzi.