Page:De Musset - Voyage en Italie et en Sicile, 1866.djvu/293

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et livrer ainsi toute l’armée à une perte certaine ; on vit des caporaux tuer leur officier, des soldats refuser d’obéir et se gouverner par eux-mêmes, des aides de camp passer à l’ennemi ; on entendit des sauve qui peut ! au moment de la victoire et des cris héroïques à celui de la défaite. C’est un monde renversé où le jugement humain flotte dans les ténèbres. De même, à Florence, les étrangers déroutent complètement l’observateur qui est au fait de leurs antécédents et qui les a connus dans leurs pays respectifs. Tel garçon innocent et réputé incapable de troubler un ménage devient, comme le conscrit de Lutzen, un séducteur terrible ; telle dame, dont vous auriez cru le bonnet solidement planté sur la tête, le jette par-dessus les plus hauts moulins et perd sa bataille de Waterloo. D’un côté ce sont des victoires inexplicables, de l’autre des désastres impossibles à prévoir. Voilà l’effet des voyages et des vacances. L’année suivante, on rentre à Londres ou à Paris ; les uns n’y sont plus que de pauvres recrues, les autres des soldats dociles qui obéissent avec soumission au capitaine de la famille et marchent, au pas, avec une régularité exemplaire.

Après Rome, on sait que Florence est la ville d’Italie la plus riche en tableaux et en sépultures ; mais, ce qui est fort commode pour les curieux, presque tout a été réuni dans trois musées, l’académie des beaux-arts et les palais Médicis et Pitti. On en a dit assez long sur la Vénus, la Niobé, la Vierge à la chaise, pour qu’il soit superflu d’en parler ici. Michel-Ange se retrouve à Florence ce qu’il était à Rome, aussi poète mais peut-être un peu moins mystique. Le plus grand des artistes florentins est, à mon sens,