Page:De Musset - Voyage en Italie et en Sicile, 1866.djvu/295

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ne fallait pas entrer en ménage avec ton idéal. Tu aurais vécu jusqu’à cent ans comme le Titien ; ou bien, puisque tu ne pouvais te passer de cette Florentine si belle, il fallait faire comme ce mauvais sujet de Raphaël, rendre l’âme dans les bras de ta maîtresse et non pas mourir misérablement dans le déshonneur et le chagrin.

Un autre peintre florentin, Allori, plus philosophe qu’André del Sarto, a révélé ses peines de cœur d’une manière énergique. Au palais Pitti, en face de la Vierge à la Chaise, est une belle Judith qui tient, par les cheveux, la tête d’Holopherne avec un air menaçant et déterminé. Cette tête coupée est celle d’Allori lui-même et la Judith est sa maîtresse. Derrière l’héroïque prostituée, une vieille femme fait un rire infernal, comme pour dire : « voilà ce que c’est, maître Allori, que de tomber dans nos filets ». Mais l’artiste a répondu : « Voilà ce que c’est que d’assassiner les gens. Vous aurez éternellement à la main ma tête sanglante ». L’histoire n’en dit pas davantage sur les amours de Christophe Allori.

Pour peu que vous vous promeniez, un soit de pleine lune, sur la place de Sainte-Marie-des-Fleurs, à l’endroit où le Dante aimait à se reposer, et que vous regardiez les jeux de la lumière parmi tous ces dômes entassés et ce gracieux campanile de Giotto, semblable à une tour de porcelaine, Florence aura bientôt gagné votre amitié. Pour peu que vous preniez l’habitude de visiter, tous les matins, le palais Pitti ou le musée de Médicis, de fumer un cigare sous les galeries, au pied de la statue de Persée ou sur les quais de l’Arno, d’aller aux Cascine respirer