Page:De Musset - Voyage en Italie et en Sicile, 1866.djvu/296

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

le frais ; pour peu que la fleuriste vous donne de beaux œillets tandis que vous mangez le chocolat et que les coureurs nocturnes chantent leurs chœurs avec ensemble sous vos fenêtres, vous vous attacherez bien vite à cette ville séduisante et vous ne partirez plus sans un déchirement cruel, comme à Rome, comme à Naples, comme partout en Italie. M. V… et moi, nous avions juré nos grands dieux de ne rester qu’un mois à Florence ; le deuxième mois était déjà commencé et, des hauteurs du jardin Boboli, nous regardions les dômes et la tour du Palais-Vieux avec autant de béatitude que si nous n’eussions jamais dû nous en séparer. Il fallait cependant arriver à Venise avant le retour des pluies. Le bon Carthaginois venait de nous faire ses adieux ; il retournait en Sicile et nous offrait ses services à Nato et Girgenti. Don Hasdrubal est avocat au tribunal de Caltanisetta et je lui ai promis formellement que si j’avais un procès avec Polyphème ou Denis le Tyran, je lui confierais ma cause. Nous l’avions embrassé la larme à l’œil et nous regrettions sa pétulance africaine qui aimait nos entretiens ; mais Florence n’en demeurait pas moins charmante et, d’ailleurs, nous y avions déjà des amis. M. V… ne voulut pas entendre parler de départ. Afin de l’arracher à ses habitudes sans trop de secousses, j’employai l’expédient de Bougainville qui entraîna son meilleur ami au bout du monde en lui proposant, d’abord, une simple promenade à Versailles. Nous ne pouvions pas quitter la Toscane sans voir Pise où les voiturins vous mènent en sept heures. Une excursion de quatre jours n’effraya pas mon compagnon et, un matin, je le déterminai à monter dans un carrosse de louage.