Page:De Musset - Voyage en Italie et en Sicile, 1866.djvu/301

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Il ne leur manquait qu’une occasion et un sujet de se passionner. L’occasion vînt bientôt et la passion fut la plus funeste de toutes, celle qui changerait les moutons en serpents ou en lions, la jalousie, en un mot.

Si vos seigneuries sont à Pise depuis seulement un jour, elles ont dû certainement admirer la jolie petite église de Santa-Maria della Spina, cette miniature gothique dont les flèches s’élèvent à peine jusqu’aux toits des maisons qui bordent l’Arno. Nous appelons cette église le Tempietto et les Pisans ont une grande vénération pour elle à cause de l’épine provenant de la sainte couronne du Christ qu’on y a conservée pendant plusieurs siècles. Le curé avait une sœur, veuve d’un tapissier de Florence et cette sœur avait une belle-fille de seize ans, mais belle comme les astres, une Vénus, enfin. Cela est si vrai qu’aussitôt arrivée ici, elle reçut le nom de Venere del Tempietto et, pourtant, elle n’a passé que deux mois à Pise, chez son oncle le curé. Lorsqu’elle se promenait sur le quai, les bras nus, maniant l’éventail avec grâce, les gens du peuple s’arrêtaient, en extase, pour la regarder ; on entendait pleuvoir sur elle ces bénédictions que la beauté provoque toujours dans ce pays où l’on a, pour elle, une antique adoration. Malheureusement, Fioralise était encore plus coquette que belle. Sa mère l’avait envoyée ici pour l’arracher à une demi-douzaine d’amoureux qui commençaient à la poursuivre de trop près. Elle vivait dans la maison du curé, ne voyait que son oncle et une servante de soixante ans et n’avait d’autre divertissement que de tirer les horoscopes avec un jeu de cartes, de raccommoder