Page:De Musset - Voyage en Italie et en Sicile, 1866.djvu/304

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rompre vous-même et vous blesser en tombant.

La servante apporta des chaises ; Matteo, tout confus de sa maladresse, ne savait plus que dire. Il s’embrouillait dans ses phrases et regardait Fioralise avec des yeux suppliants. Pendant ce temps-là, le curé, toujours gondant, s’évertuait à déraciner un petit oranger mort et secouait l’arbre sans pouvoir seulement le faire pencher. Matteo arracha l’oranger comme s’il eût été une asperge et le bon vieillard, content d’épargner une demi-journée de travail, oublia sa planche brisée. On parla de choses indifférentes, mais le curé, occupé à son jardinage, ne voyait pas la pantomime de Matteo qui exprimait tout ce que sa bouche n’osait dire. Fioralie riait et se moquait, tantôt de l’amoureux et tantôt de son oncle. On causa ainsi pendant une heure sans que le bonhomme se doutât de rien. L’étudiant se retira ensuite et, comme la belle nièce le reconduisit jusqu’à la porte, il ôta, de sa cravate, une superbe épingle en argent doré qui valait un écu.

— Adorable Fioralise, dit-il, je voudrais que mon cœur dût de l’or pur pour vous rendre riche en vous le donnant. Voici toujours une épingle que je serais fier de vous faire accepter, en échange de cette rose que vous avez dans les cheveux.

— Une épingle vaut plus qu’une rose, répondit Fioralise, rouge de plaisir. Je serais bien sotte de refuser une fleur à un signor aussi généreux que vous.

Matteo sortit en bondissant de joie et passa devant Andronic en lui montrant, d’un air railleur, la rose que la quêteuse portait à l’église. Andronic, furieux, tira aussitôt le cordon de la sonnette, mais avec tant