Page:De Musset - Voyage en Italie et en Sicile, 1866.djvu/306

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aidez-moi un peu en emplissant mes arrosoirs, tandis que je donnerai à boire à mes œillets.

Andronic fit compliment au curé sur le bel état de son jardin et se mit à causer, comme Matteo, adressant ses paroles à l’oncle et ses signes à la nièce, qui riait de tout son cœur de ce manège. Il glissa, dans la main de la jeune fille, un petit billet où sa passion était exprimée par une douzaine de vers très fleuris et puis il prit congés en saluant poliment le curé. Fioralise le reconduit jusqu’à la rue et, avant d’ouvrir la porte, Andronic tira, de sa poche, une bague ornée d’un morceau d’agate.

— Si la belle Fioralise, dit-il, voulait porter cette bague en souvenir d’un pauvret qui se meurt d’amour pour elle, je lui demanderais, en échange, ce morceau de ruban noir qu’elle a sur l’oreille.

— Jésus ! s’écria la jeune fille, que les garçons de Pise sont galants ! L’autre signor m’a donné une épingle et vous m’offrez un anneau ! Je n’ai garde de vous refuser ce bout de ruban ; je vous le dois, puisque j’ai accordé à l’autre une rose.

Matteo avait attendu son rival dans la rue. Il vit passer Andronic, léger comme un oiseau, et tenant à la main le ruban noir que la quêteuse avait sur l’oreille à l’église. Le soir, vers dix heures, Matteo amena trois violons et une flûte sous les fenêtres de sa belle et lui donna une sérénade. A minuit, Andronic vint aussi, accompagné de deux guitares et d’un chanteur. Le lendemain, il y avait une feria sur la place du Dôme ; les marchands forains étalaient leurs boutiques volantes. Fioralise y passa avec son oncle et les deux galants abordèrent le curé, l’un après l’autre. Comme la jeune fille admirait beaucoup