Page:De Musset - Voyage en Italie et en Sicile, 1866.djvu/311

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— Et que ferez-vous, si je ne vous cède pas la place ?

— Pardieu ! Chien de Pisan, je t’écraserai sous mes pieds comme un insecte.

— C’est-à-dire, misérable Arétin, que je t’assommerai comme un bœuf à la boucherie.

— Non, non. Je te prendrai par les jambes et je te lancerai dans le fleuve.

— Quel fleuve ? (note : cette répétition interrogative équivaut, en Italien, à une négation) C’est moi qui te saisirai à la gorge et te jetterai par-dessus la tour de la Faim.

— Moi, je te rendrai la mort plus dure, car je prétends te briser les quatre membres l’un après l’autre.

— Dis plutôt que je t’arracherai les deux yeux, afin qu’ils ne puissent plus voir l’état déplorable dans lequel je te mettrai ensuite.

— Tu ne sais pas qui je suis ; je vais te le montrer. Figure-toi que cette table soit ton dos : voici comment je frapperai dessus.

Matteo donna, sur la table, un coup de poing qui enfonça les planches ; mais, aussitôt, Andronic prit une chaise et la pressa si fort entre ses bras qu’elle se rompit en plusieurs morceaux.

— Voilà, dit-il, comment je ferai craquer tes os.

Il y eut un moment d’horreur dans l’assemblée. L’Arétin appuyait son discours d’une foule de jurements effroyables par lesquels on voyait bien qu’il ne se connaissait plus ; le Pisan, de son côté, criait d’une voix si terrible, que le grand orgue du Dôme vous eût semblé un hautbois en comparaison. Qu’on juge donc de l’épouvante que répandaient ces paroles, accompagnées de gestes si violents ! Quand les deux