Page:De Musset - Voyage en Italie et en Sicile, 1866.djvu/317

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chose d’aussi simple, tandis que vous vous tirez d’affaire en disant trois heures avant midi. On se sert encore, avec avantage, du tocco, ainsi appelé parce que l’horloge ne frappe qu’un coup. Deux et trois heures de France, qui seraient peut-être en Italie, dix-neuf et vingt heures, plus une fraction, peuvent s’exprimer par une et deux heures après le tocco.

Ce bienheureux tocco venait donc de sonner lorsque nous vîmes, au loin, les grandes tours de Bologne. Notre voiture s’arrêta devant une troupe de paysans armés de mauvais fusils et qui traversaient la route, en colonne serrée, pour s’enfoncer dans la campagne. Le conducteur, qui n’était pas plus que nous au fait des événements, demanda ce que faisaient ces gens armés. Une bonne femme lui répondit, en bolonais, que c’étaient des bandits qui voulaient donner du chagrin au Saint-Père. A ce mot, le voiturin s’arracha les cheveux en poussant des cris lamentables.

— Qu’avez-vous donc, mon brave ? Lui demandai-je.

— Ah ! signor, des partisans, des insurgés ! Qu’allons-nous devenir ?

— Remettez-vous, ces insurgés sont passés, ils ne songent pas à nous ; et, d’ailleurs, voici les portes de la ville : dépêchons-nous d’y entrer.

Je ne savais trop que penser en voyant le voiturin faire des signes de croix et les autres voyageurs claquer des dents.

— Que risquons-nous ? disait M. V… ; de perdre quelques habits râpés, des chemises en mauvais état, nos montres et bien peu d’argent ? Ce ne serait pas payer trop cher le plaisir d’être attaqués par des brigands ou d’assister à une insurrection de la Romagne.