Page:De Musset - Voyage en Italie et en Sicile, 1866.djvu/319

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élévation, mais ce sont des monuments fort disgracieux, qu’on prendrait pour les cheminées d’une pompe à feu colossale. Quant à des arbres, des promenades, une rivière, et tout ce qui donne du charme à une grande ville, je n’en ai pas vu l’apparence à Bologne. Le canal du Reno ne peut prétendre qu’à l’honneur de fournir ce qui est nécessaire pour que les têtes chaudes de la Romagne mettent de l’eau dans leur vin à l’approche des baïonnettes autrichiennes.

De Bologne à Ferrare, la campagne est fort riche, dit-on ; je l’ai mal vue, à cause d’une poussière épaisse qui fermait hermétiquement les yeux des voyageurs. On ne se dispense jamais, en passant par Ferrare, de considérer attentivement l’encrier de l’Aristote, qui n’est absolument qu’un encrier devant lequel dix personnes réunies font la plus sotte figure du monde. Ce simple ustensile a l’air, lui-même, tout penaud de l’attention qu’on lui accorde. Il faudrait ranger l’écritoire de l’Aristote à côté de la plume vraiment immortelle de Voltaire, cette plume tant de fois vendue aux Anglais, toujours renouvelée, et qui, apparemment, sortait de l’aile d’un phénix. La prison du Tasse a, du moins, quelque chose à dire à l’imagination. Les douleurs et la misère du poète ne s’effaceront jamais de ces murailles humides. Le gardien vous explique, dans l’intérêt du duc Alphonse d’Este, qu’on a bouché une fenêtre d’où le prisonnier jouissait de la vue d’un jardin et ce brave homme ne comprend pas qu’on plaigne beaucoup celui qui habita ce réduit pendant sept ans.

— Le Tasse, dit-il, avait un bon lit et mangeait de la viande à tous ses repas. Si vos seigneuries voyaient