Page:De Musset - Voyage en Italie et en Sicile, 1866.djvu/320

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les prisons de la ville et comment on y vit, elles trouveraient une fière différence.

Probablement, le gardien ne songea pas que l’auteur de la Jérusalem délivrée ne se serait pas même estimé heureux d’être, comme lui, concierge d’un hôpital avec cent écus d’appointements. Si on veut emporter de la prison du Tasse l’impression que ce lieu doit laisser, il ne faut pas se mettre à lire les milliers de noms gravés sur la pierre, car on retomberait bien vite de l’état du voyageur enthousiaste à celui de l’abonné qui trouve, dans son journal, la liste de souscription en faveur d’une ville incendiée. Quand la trompette du jugement dernier aura réuni tous les hommes, le Tasse aura fort à faire pour rendre ses devoirs et remettre des cartes à ceux qui se sont inscrits à son dernier domicile.

A peu de distance de Ferrare, nous traversâmes le Pô, dans un bac, pour entrer dans l’Italie autrichienne et nous allâmes coucher, le soir, à Rovigo, capitale de la Polésine si longtemps disputée à Venise par les Etats voisins, petite ville où les insectes rancuniers se vengent encore de l’invasion des Français. L’église principale de Rovigo contient deux tableaux de peu de mérite, mais dont le coloris annonce le voisinage des maîtres vénitiens ; le lendemain, nous étions de bonne heure à Padoue, tant de fois ravagée que l’histoire ne sait plus, au juste, le compte de ses malheurs. Padoue n’en est que mieux portante à présent. De tous ses monuments, celui dont elle s’enorgueillit le plus est le café Pedrocchi, vaste royal établissement où l’on prend des glaces pour la somme de cinq sous. Ce café, babylonien pour la grandeur, grec pour l’élégance et britannique