Page:De Musset - Voyage en Italie et en Sicile, 1866.djvu/324

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et toutes sortes de romans vénitiens ; cependant, ni livres, ni poèmes, ni tableaux ne m’en avaient donné une idée juste. L’imagination la plus ingénieuse peut être mise au défi, jamais elle ne saura se figurer une Venise. Allez-y donc et regardez ce pays des merveilles avec vos propres yeux, circulez en gondole dans ces canaux, promenez-vous à pied sur ces quatre-cents ponts qui réunissent plus de soixante îles, égarez-vous au milieu de ce bal masqué perpétuel des habitants, cherchez à suivre quelque rusée Vénitienne qui vous échappera comme une ombre au bout de trente pas ; ayez des aventures romanesques, cela vaudra mieux que d’en lire. On ne peut raisonnablement parler de Venise qu’à ceux qui l’ont vue, qui soupirent en y songeant et qui en aiment jusqu’aux plus légers souvenirs.

Le gouvernement autrichien fait de louables efforts pour ranimer et embellir Venise. Les palais tombent en ruine, mais on les éclaire au gaz et un pont gigantesque amène les machines à vapeur jusque dans la ville, en passant par-dessus la lagune. On travaille à l’élargissement du port et les digues immenses de Malamocco ont été réparées et augmentées à grands frais. Tous les soirs, il y a musique sur la place Saint-Marc et, deux fois par semaine, le régiment hongrois et celui de la marine donnent des freschi sur le grand canal. Le fresco est une charmante partie de plaisir. Au coucher du soleil, les deux orchestres militaires, placés chacun dans un large bateau, parcourent lentement le grand canal, depuis la Piazzetta jusqu’au pont du Rialto, en jouant des marches ou des fragments d’opéra. Les gondoles voltigent à l’entour et forment une flottille évaporée