Page:De Musset - Voyage en Italie et en Sicile, 1866.djvu/335

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s’en rapporter à ses supérieurs. Des cabales, organisées régulièrement, lui donnèrent un amant. Don Pietro a été le premier de ces séducteurs imposés et, depuis ce moment, la pauvre Anzelina ne recouvra jamais sa liberté entière. Elle pleura, se révolta, demanda du secours à ses voisins et à ses serviteurs ; il y eut deux tentatives pour la délivrer, mais son amant eut la lâcheté de se joindre, contre elle, aux oppresseurs. Don Pietro laissa cette affaire entre les mains de dix personnes, auxquelles il abandonnait une autorité et une influence qu’il devait naturellement garder. Ses successeurs en furent punis car, lorsque ce conseil de dix personnes eût bien veillé sur cette belle pupille et qu’il l’eût préservée de plusieurs enlèvements, il ne voulut plus se dissoudre et demeura, en permanence, comme un tribunal secret et jaloux, menaçant toujours la pauvre Zanze, écoutant les dénonciations les plus obscures, recueillant les lettres anonymes, chassant de la maison ceux qu’elle aimait et empoisonnant ses meilleurs plaisirs par une tyrannie insupportable.

Les tuteurs favorisaient volontiers des vieillards dont la carrière était de courte durée, afin d’avoir à les remplacer plus tôt et dans l’idée que leur pupille ne se prendrait pas d’un amour bien vif pour des octogénaires. Cependant on s’étonna de voir qu’un certain Marino, quoique vieux et marié, avait su inspirer un attachement durable, fondé sur l’estime et l’admiration que méritaient ses grandes qualités. Zanze poussa la générosité jusqu’à aimer la jeune Annunziata, femme de Marino. Un membre du conseil de tutelle insulta cette jeune femme publiquement. Le vieillard, furieux, voulut égorger toute