Page:De Musset - Voyage en Italie et en Sicile, 1866.djvu/337

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

un regret ; mais, lorsqu’il entendit les bruits qui annonçaient l’installation de son successeur, il se coucha sur les marches du palais et mourut de douleur, ce qui a fourni, dit-on, à un grand poète anglais le sujet d’une tragédie.

Pendant plusieurs années, Anzelina eût des démêlées avec ses voisins, qui se terminèrent par des accommodements et dont nous autres, pauvres gens, nous n’avons pas su l’importance. Le bruit courut que la belle Vénitienne avait été à deux doigts de sa perte, par suite d’un complot avec des étrangers qui voulaient la dépouiller de toutes ses richesses. En cette occasion, ses tuteurs et son favori montrèrent du courage et de l’habileté ; elle échappa au danger et il ne parut pas, à son visage, qu’elle eût seulement éprouvé de l’inquiétude. Bientôt après, elle se brouilla avec son confesseur qui voulut l’excommunier. Un avocat, qui prit sa défense contre le confesseur, fut assassiné, un soir, en rentrant chez lui et jeté dans la lagune ; un seigneur français devint l’arbitre de ces différends et rétablit la concorde.

Anzelina rencontrait souvent, sur son chemin, un diable de Turc qui l’insultait, la volait ou lui jouait une foule de mauvais tours. Il y avait aussi, à Venise, un brave militaire appelé Tardif, quoiqu’il fût, au contraire, l’homme le plus prompt et le plus expéditif du monde. Le soldat battit trois ou quatre fois le Turc et il fut mal récompensé de sa galanterie et de son dévouement. L’ingrate fille tourmenta son défenseur, jusqu’au jour où elle eut encore besoin de ses secours. A la fin, elle l’aima, par une fantaisie de Vénitienne, au moment où il était perclus d’infirmités et de blessures. Lorsque le brave Tardif eut