Page:De Musset - Voyage en Italie et en Sicile, 1866.djvu/342

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maisons modernes. Les mœurs paraissent moitié allemandes, moitié françaises et l’on reconnaît, dans tous les usages, cette civilisation à la fourchette qui satisfait également l’Anglais et le commis-voyageur. Sous les arbres de la promenade et au milieu des équipages, on peut se croire aux Champs-Elysées ; le soir, la tasse de thé septentrionale vous transporte à Londres ; vous rencontrez, dans le peuple, une foule de bossus et de nains, comme dans nos villes manufacturières où les bienfaits de l’industrie ramènent l’homme à l’état de singe. Plus de paresse et, partant, plus de beauté musculaire. Le ciel est plus pâle que celui de Provence ; l’air devient froid et la poésie, naturellement frileuse, grelotte et se cache. Les têtes blanches des Alpes vous avertissent que le nord et l’hiver habitent à deux pas de là. Malgré le luxe, la bonne compagnie et les ressources de cette grande ville, mieux vaut le véritable Paris, quand on l’a sous la main, qu’un Paris en abrégé.

Après avoir été reçu à bras ouverts à Naples, Florence et Venise (je ne dis pas à Rome, parce qu’on m’a assuré que la société romaine était fermée comme le Capitole antique, si bien gardé par ses oies), vous vous imaginez que vous allez entrer partout à Milan. L’erreur ne dure pas longtemps. Il y a deux ou trois salons hospitaliers, pas davantage ; le reste est inabordable et fortifié. Quand vous avez tenté deux fois le passage, une lettre d’introduction à la main, vous comprenez que la consigne du suisse est de n’ouvrir à aucun visage inconnu. Vous laissez votre lettre, appuyée d’une carte de visite au bas de laquelle est votre adresse. Au bout de trois jours, un domestique vous apporte une autre carte de visite pour toute