Page:De Musset - Voyage en Italie et en Sicile, 1866.djvu/343

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réponse. Cependant, si la personne qui vous recommande est de poids, on vous fait dire qu’on vous recevra tel jour, à telle heure. Vous arrivez, tout franchement, pour causer. Les visages sont contraints ; il semble qu’on soit au désespoir de n’avoir pu vous éviter. Vous prétextez bien vite une affaire et vous ne revenez jamais ; c’est le parti le plus sage et le plus honnête. Comme les motifs de cette exclusion tiennent à la politique et à la fausse position de la noblesse vis-à-vis de son gouvernement, il n’y a pas moyen d’en garder rancune aux Milanais.

Nous avions pris nos mesures pour consacrer une quinzaine au séjour de Milan mais, au bout d’une semaine, comme nous connaissions à fond la cathédrale, le musée qui est médiocrement riche, les débris effacés de la fameuse Cène et quelques rares ouvrages de Luini, nous nous regardions en nous demandant ce que nous pouvions faire encore en Lombardie. L’automne marchait à grands pas ; le retour des pluies devenait menaçant et les sites des Alpes nous invitaient à partir. M. V… poussait des soupirs à fendre le Simplon en recueillant ses souvenirs tout frais de Venise. En causant de notre séparation prochaine, dans la cour de notre auberge, nous vîmes une affiche qui annonçait, pour le soir, la traduction du Louis XI de Casimir Delavigne, jouée par le célèbre Modena, le Talma de l’Italie. Depuis le plaisir extrême que m’avaient fait les petits théâtres napolitains, je n’avais pas trouvé un spectacle satisfaisant, excepté un soir, à Florence, où un acteur, appelé Domenicone, avait joué d’une manière remarquable le Saül d’Alfieri. J’avais déploré la mort des théâtres vénitiens dont la gaieté eut jadis un succès