Page:De Musset - Voyage en Italie et en Sicile, 1866.djvu/40

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la respecter, tant il y a de différence entre ce qu’on fait par réflexion ou ce qui tient au fond du caractère et à l’empire de la nature. Une leçon sévère pourra corriger un fripon français ; le fripon napolitain est incurable ; il trompe par ordre d’en haut comme l’hirondelle voyage et comme bâtit ce pauvre castor du Jardin des Plantes qui, n’ayant pas de matériaux, pétrit sa nourriture pour ébaucher des maisons.

La bonne humeur et l’insouciance de l’avenir se respirent avec l’air de Naples ; le bien-être, la gaieté ou la paresse, selon les heures de la journée, vous entrent par tous les pores. Cependant, sous ce climat printanier, au milieu de cette atmosphère d’or et d’azur, il y a de mauvais jours où la nature a besoin de gronder, d’épancher sa bile et de se plonger dans une mélancolie profonde, afin de retourner ensuite, avec plus de force, à l’état de santé. Ces mauvais jours ne sont pas, comme chez nous, les moments de pluie ou de froid. Quand le Vésuve a mis sa perruque noire et que les cornes de Capri ont déposé leur voile bleu pour s’envelopper d’un manteau gris, les averses terribles qui changent les rues en torrents et les gouttières en cascatelles n’empêchent pas le mouvement et les cris d’aller leur train. L’orage passe ; entre deux nuages, un sourire du ciel arrive bientôt sécher la dalle en quelques minutes et réchauffer les épaules du lazzarone. Quand le vent du nord-est apporte un peu d’aigreur dans l’air, on ne perd pas son temps à faire du feu. On s’enveloppe d’un manteau, ou bien on prend un peu d’exercice ; on attend le soleil pour le lendemain et cette confiance n’est jamais trompée. Le mauvais jour n’est pas non plus celui où la chaleur devient incommode, où les zanzares