Page:De Musset - Voyage en Italie et en Sicile, 1866.djvu/41

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bourdonnent autour de votre lit. La brise du soir viendra vous rafraîchir et, avec des rideaux bien fermés, vous pourrez dormir ; mais il y a des jours de crise pour la nature, où la tristesse plane sur le pays entier et pénètre au fond des alcôves, à travers les moustiquaires ; vous la respirez dans l’air qui vous apportait, la veille, l’insouciance et la joie. Le grand roi Louis XIV avait aussi des jours où il fermait sa porte, s’enveloppait dans sa robe de chambre, tirait son bonnet sur ses yeux, grondait Monsieur le Premier et prenait médecine par ordre de Fagon.

Ce fut un dimanche que je ressentis pour la première fois l’influence du mauvais jour. Avant que ma fenêtre fût ouverte, j’avais respiré l’atome pestilentiel ; j’aurais vainement essayé de me soustraire à son action. La mélancolie venait de dépasser les poumons et circulait déjà dans les veines. Un vent chaud et sulfureux soulevait des tourbillons de poussière. Les rues, habituellement si tumultueuses, ne résonnaient point au roulement des voitures et aux cris des hommes du peuple. Des poules qui se promenaient ordinairement dans les vastes escaliers de la maison, s’étaient assemblées sous une table et se regardaient en silence, la tête basse et les plumes hérissées. La servante, au lieu de travailler, s’était assise sur un canapé, son balai à la main, dans une indolence stupide. Jusqu’alors, tous les dimanches, une vieille marchande de cierges, sa boutique étant fermée, ne manquait jamais de s’installer, après la messe, au bord du quoi, pour battre sur un tambour de basque le rythme animé de la tarentelle ; les passants ne manquaient pas de s’attrouper ; des enfants commençaient la danse et, bientôt, une bande nombreuse de